samedi 20 mars 2010

Pour qu'il siège parmi les princes

Saint JosephJ+M

De la poussière il relève le faible,
il retire le pauvre de la cendre
pour qu'il siège parmi les princes (Ps 112 : 7)


Le carême est cette période privilégiée où nous pouvons, par la médiation, la prière, l’aumône, secouer la poussière qui nous colle à l’âme avec l’aide de Dieu. Nous y sommes tombés tous solidairement avec Adam, qui était argile animée par le Souffle de Dieu, et par sa chute a vu le pourcentage de poussière de son être croître dans des proportions alarmantes. Mais aussitôt que l’homme tomba, Dieu lui fit la promesse de son relèvement.
Le psaume 112 célèbre cette promesse et donne des détails passionnants, à lire sur plusieurs niveaux, polyphonie harmonieuse et paisible où s’entendent les voix de la terre, du Ciel, et du dessein de Dieu.

Le premier sens est littéral : l’homme est le faible par excellence, celui qui, mû par la force de la gravité, est toujours est attiré par le bas, la poussière, la terre d’où il fut tiré. Dieu, inlassablement, l’aime, ce qui lui permet, s’il en a le souhait, de se relever. A nouveau debout il peut retrouver la position de prière, les bras tendus vers le Ciel qui sera, il le sait malgré ses débilités, sa patrie pour toujours. C’est là qu’il siègera parmi les princes, les « premiers » au sens strict, c’est à dire les anges, créés avant l’homme, et surtout avec le Prince de paix, le Roi des Rois, Jésus Christ Notre Seigneur.

Dans une perspective mystique on trouvera encore bien des beautés - sources d’émerveillement -dans ces versets.
En ces jours de mars, on se souvient de Joseph, charpentier de Nazareth, que l’Evangile mentionne comme un descendant de David en Mat 1 : 16 : Jacob engendra Joseph, l'époux de Marie, de laquelle est né Jésus, qui est appelé Christ.
Joseph et Marie, de la lignée de David, le roi-prophète étaient des princes. Leur compagnie est quotidienne pour le croyant par la prière et la contemplation. Marie nous donne accès à Jésus autant de fois que nous le lui demandons, elle nous Le donne en nous disant comme à Cana « Faites tout ce qu’Il vous dira » (Jean 2, 5). Ainsi, sans mystères ni miracles tonitruants, nous nous retrouvons dans le Royaume dès cette vie, siégeant au milieu des princes, redevenus princes nous-mêmes après avoir retrouvé notre noblesse, nous qui sommes fils de Dieu et non pas du Néant, de l’évolution absurde et aveugle ou du hasard.

On trouvera encore dans la voix liturgique des résonances de ces versets : de la poussière de son péché, triste flamme bien vite éteinte qui ne laisse que cendre et mort, l’homme est relevé par la main bienveillante de Dieu et sa propre volonté qui sait que Dieu n’est que pardon, pour être placé dans la compagnie des princes. Ce miracle intervient pour le chrétien autant de fois qu’il assiste à l’eucharistie. C'est le lieu où sa condition finie devient infinie en Dieu qui l’admet à son sacrifice en présence de la Cour céleste. Tout entière émerveillée, elle assiste à ce don capable de redire au Père dans les mêmes termes l’offrande totale du Fils à la Croix.

samedi 13 mars 2010

Cette huile fait de nous des princes

L'onction de Saul
J+M

Le fait est là, humble et inexplicable. La presse le rapporte abondamment : d’une icône représentant la Vierge Marie suinte de l’huile à Garges-lès Gonesse en région parisienne. Les commentaires des lecteurs visibles sur les éditions en ligne des journaux expriment dans leur grande majorité incrédulité et sarcasme, ils constituent une manifestation épidémique plus qu’épidermique, un prétexte à l’expression de la sévère christianophobie de cette époque.
Ce qui est frappant dans ce concert c’est l’incompréhension. L’idée même qu’une icône puisse représenter- et encore plus émettre- quoi que ce soit indigne ces contempteurs, qui saisissent l’occasion pour manifester avec une mâle assurance leurs certitudes inexpugnables. Quand celle-ci fait défaut, c’est l’insulte, la comparaison scatologique, la provocation gratuite. Encore une occasion de perdue pour eux de se remettre en cause et de faire preuve de cet esprit critique qu’ils recommandent furieusement aux autres.
Pourtant, il y a beaucoup à apprendre de cette petite icône de papier collée sur du bois, pour peu que l’on soit capable une certaine curiosité et non pas agité de convictions antichrétiennes pavloviennes.

Avant tout, il est bon de garder à l’esprit ce que représente l’icône. Hergé par la voix de son capitaine Haddock, au verbe haut a jadis remis en selle le mot iconoclaste et c’est heureux car ce terme bariolé est riche d’enseignements.
Iconoclaste
Les iconoclastes s’opposaient pour des raisons scripturaires à la représentation du Christ et des saints. Ils furent déboutés lors du second concile de Nicée en l’an 787 au motif que si le Christ s’est incarné, il est possible de représenter physiquement le Fils de Dieu, et de peindre les saints. Les ennemis des icônes n’ont malgré tout jamais cessé leurs offensives contre ces images vénérées en leur qualité de fenêtres ouvertes sur l’Invisible. Le culte qui est rendu ne s’adresse pas à elles (ce ne sont pas des idoles) mais à la Personne céleste qu’elles représentent. Leur fonction est essentiellement liturgique.
A ce titre, de pieuses traditions rapportent de tout temps que des icônes ont servi à la transmission de messages aux fidèles.
Ces messages sont essentiellement d’ordre symbolique, car s’ils peuvent avoir une vocation locale leur portée est universelle.
Les larmes, les parfums, les baumes, et même le sang comme à Syracuse où une image de la Vierge pleure régulièrement sont des symboles universels dont la compréhension est immédiate. On pourrait écrire des volumes entiers sur ces manifestations, mais est-ce bien nécessaire ? Le peuple de Dieu ne s’y trompe pas, comme le montre sa réponse fervente. Seul les ignorants et les audacieux se contentent de nier sans examen, pétris de certitudes et mus par le même esprit de dérision qui accable les miracles de Lourdes par exemple d’un mépris souverain.
Mais personnellement cette huile qui suinte dans une famille chrétienne de la banlieue parisienne me réjouit, et j’y vois dans les vacarmes assourdissant des catastrophes et des crises dont l’actualité est si friande une des rares bonnes nouvelles qui mérite d’être rapportée et commentée, un peu comme une fleur délicate qui aurait poussé entre les pavés gris dont notre quotidien (et l’enfer peut être au bout du compte) sont pavés.
C’est pourquoi, dans le but annoncé de ce blog qui est de prier, de respirer et de vivre, je ne me priverai pas du bonheur de respirer cet effluve peut-être venu du ciel, d’en rechercher le sens et les vertus, et d’inviter mes lecteurs à un pèlerinage du côté de l’Eden, lieu de la rencontre avec Dieu qui est si près, si proche que le voile qui nous en sépare devint de plus en plus ténu.
Une promenade rapide dans le jardin biblique nous montre diverses valeurs attribuées à l’huile, toutes bonnes à prendre. Je n’en retiendrai que douze, car ce chiffre est lui aussi symbolique, et je crois fermement que l’huile est plus que jamais nécessaire à cette époque marquée par l’ivresse de la déconstruction mais surtout meurtrie et laissée au bord de la route par toutes sortes de vendeurs d’idéologies plutôt frelatées.
Ne sommes-nous pas grâce à tous ces libérateurs des avatars de cet homme dépouillé par les bandits qui descendait de Jérusalem à Jéricho, et qui avait pour guérir besoin de l’huile et du vin que seul le Bon Samaritain – Le Christ lui-même, bien sûr- pouvait appliquer sur ses plaies.
Car qu’est-ce que l’huile, si ce n’est l’élément essentiel pour la confection du baume ?
Le Baume le plus précieux est celui du Salut qui a été versé par le Sauveur au Jardin des Oliviers. La simple mention des Oliviers renvoie à la valeur symbolique de cet arbre dont s’écoule cette huile de joie destinée à rayonner sur le front des rachetés du Seigneur, comme l’annonce le Psaume 23. Toute la Bible converge vers cette Bonne et Unique Nouvelle : Dieu nous crée et nous sauve en permanence. Qu’elle soit préfigurée dans l’Ancien Testament ou accomplie dans le Nouveau, cette nouvelle en informe chacune des pages.

Et ce baume est annoncé dès les origines, figuré de façon très spéciale par la Vie Fraternelle qui indique la paix et l’harmonie du paradis.

Oh! qu'il est agréable, qu'il est doux pour des frères de demeurer ensemble!
C'est comme l'huile précieuse qui, répandue sur la tête,
Descend sur la barbe, sur la barbe d'Aaron,
Qui descend sur le bord de ses vêtements.

Le Psaume 133 (Cantique des montées) donne une image exubérante et conviviale de cette joie en l’associant à l’huile qui dégouline sur la barbe d’Aaron, le frère de Moïse qui accompagna l’exode des hébreux. A ce titre elle est sacerdotale et signe de cohésion. Cette onction unit dans la joie une communauté autour de son prêtre pendant un long voyage initiatique comparable à la vie même, quelle belle image de l’Eglise préfigurée dans cette famille réunie pour un pèlerinage sous l’autorité d’un chef qui conduit dans la joie les exilés vers leur patrie future ! Le besoin de ce baume se fait chaque jour sentir de façon plus poignante. Une goutte symbolique surgit dans une famille chrétienne près de Paris ? Merci Marie ! C’est précisément ce dont nous avions besoin ! Le résultat, rapporté par une presse hostile mais médusée est que des chrétiens de toute confession accourent ensemble à Garges-lès Gonesse, sans parler de ceux qui ne croient pas et de ceux qui n’ont pas de religion. Tous repartent émerveillés. Cette huile est pour eux, et donc aussi pour nous, signe du Royaume.
Royaume qui s’instaure aussitôt que le Culte de louange et de reconnaissance est établi dans le sanctuaire des cœurs. On en voit l’image dans les nombreuses mentions de l’huile cultuelle rapportées par la Bible. Ainsi....

"le chandelier d'or pur, …. les lampes préparées, tous ses ustensiles, et l'huile pour le chandelier" (Exode 39-37)
Dans les livres de l’Exode et du Lévitique une double valence est accordée à l’huile : culte et bénédiction.
Le Culte à rendre à Dieu est représenté par les chandeliers d’or qui seront garnis d’huile consacrée. Cette prescription engage de son côté Dieu qui la rétribue en bénédictions pour son peuple. Cette huile qui sert à éclairer le sanctuaire apparaît comme la diffraction de la sainte présence de Dieu, la Sherina, ce qui l’ennoblit et la divinise. Or c’est exactement ce à quoi nous sommes nous-même appelés. Nous sommes, par l’effet du Salut accordé par le Sauveur, devenus nous-mêmes Temples, (1Co 6 :19) et cette huile est le Saint-Esprit lui-même qui nous arrache à notre condition de pécheurs et nous divinise. C’est Lui en effet qui nous fait passer des ténèbres du péché à son admirable Lumière.

La Lampe des vierges sages
On retrouve encore de l’huile dans la parabole bien connue des vierges folles vs les vierges sages. On sait que les vierges sages ont veillé pour attendre l’Epoux, le Bien Aimé, celui qui doit, in fine, épouser splendidement et pour l’éternité nos âmes. C’est l’huile qu’elles ont accumulée dans leur lampe qui les distingue des étourdies, vierges follettes qui n’ont pas su trouver ce précieux combustible dans lequel on a vu le signe des vertus, du baptême, ou encore des œuvres de foi. Personnellement je préfère, suivant en cela la spiritualité de nos frères orthodoxes, y voir une représentation de l’effusion du Saint-Esprit. S’il est nécessaire pour le salut que le doux hôte de nos âmes –souvenons-nous que la liturgie appelle « onction céleste le Saint-Esprit » - remplisse lui-même notre lampe, on comprend mieux l’urgence de la manifestation de Marie, qui symboliquement implore pour nous cette chrismation.

Et bien sûr la contemplation du mystère du mariage mystique des âmes avec leur Dieu convoque aussitôt dans le cœur du croyant le texte sponsal par antonomase, celui du Cantique, qui s’ouvre sur une déclaration sans équivoque : « Ton nom, une huile parfumée qui se répand (Ct, 1 : 3) ».
Oui, notre secours est dans le nom du Seigneur, ce Nom au-dessus de tout Nom, que nous avons plus que jamais, en cette époque guettée par la déchristianisation, besoin de proclamer, d’invoquer et de chérir.

L’huile, comme c’est le cas à Garges-lès-Gonesse provoque parfois d’extraordinaires surprises. Comme Saul, parti chercher ses ânesses qui s’étaient échappées reçut l’onction du prophète pour … régner sur Israël, combien partent vaquer à des soucis pas toujours essentiels avant de recevoir de Dieu un signe merveilleux et inattendu qui les instaure ou les restaure dans leur dimension de fils, de prêtres, de prophètes et de … rois ?
Samuel prit une fiole d'huile, qu'il répandit sur la tête de Saül. Il lui donna un baiser, et dit : l'Eternel ne t'a-t-il pas oint pour que tu sois le chef de son héritage ?

Car il y a une dimension sacrée et royale dans l’onction chrismale, et même si c’est de confuse façon, tout cœur y aspire. La nostalgie du Royaume est en effet profondément inscrite dans nos gènes spirituels. Créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, et capable de Dieu, il arrive à l’homme de se souvenir de cette lignée et de dire, comme l’enfant prodigue, « oui, je me lèverai, et j’irai vers mon Père »

Depuis Sarepta, on sait que cette huile est inépuisable, aussi inépuisable que nos besoins. (1Rois 17, 8-15)

Elie a trouvé aux confins de Tyr et de Sidon une veuve assez généreuse malgré son dénuement pour partager avec lui ce qu’il lui restait de provisions (de l'huile et de la farine) avant de mourir de faim.
Cette veuve, claire image d’une humanité dépouillée de ses richesses par la convoitise et le manque de solidarité, s’apprête à mourir quand survient l’homme de Dieu. De cette rencontre, de la foi qui jaillit naît la vie, et la vie en abondance : non seulement elle ne mourut pas, mais elle put manger avec son fils et le prophète pendant un an du contenu de ses cruches devenues cornes d’abondance. Quel programme pour une époque où, dépouillés de notre dignité d’enfants de Dieu, roués de coups et meurtris par tant de pseudo-libérateurs ou, pire encore, par un relativisme desséchant, nous sommes prêts à mourir de froid et de tristesse loin de notre héritage !
L’huile devenue abondante sauve clairement cette habitante de Sarepta. Son fils qui retrouve la vie marque la pérennité de la bénédiction reçue.
Aujourd’hui, cette même huile sourd d’une icône de la Vierge Marie, elle a pour vocation de nous arracher à la mort spirituelle clamée, martelée haineusement par les voix des prétendues "lumières" mais en aucun cas inéluctable. La faim, la soif, la solitude - terribles miroirs que nous tend l’ennemi pour nous arracher à la paix de l’âme et à la prière - sont définitivement anéanties par la rencontre avec l’Eglise (le saint homme de Dieu) et avec la foi dans une démarche de partage et d’abandon.

Il reste encore une huile suprême à évoquer dans ce très rapide inventaire, simple effleurement de la richesse biblique, c’est celle qui fait du Seigneur Jésus le Christ, l’Oint du Très haut. L’onction reçue par Saul, puis par David et tant d’autres princes n’est qu’une préfiguration de celle, définitive, que reçut l’Envoyé de Dieu en accomplissement de la promesse de relever l’humanité captive du péché. Le mot Christ, devenu si commun, si dévirtualisé à force d’être prononcé pas toujours avec respect, ne signifie pas autre chose. Le Christ est l’Oint, celui qui a reçu l’Onction définitive, celle qui sera communiquée à ceux qui croiront en Lui. Car l’Huile par nature se répand, se donne, s’écoule, elle n’a pas vocation à être stockée ni arrêtée dans sa course. Il en va ainsi de tous les privilèges que nous regardons parfois avec suspicion, en dignes héritiers d’un Adam devenu méfiant et calculateur à l’instigation du serpent dans le Jardin du Paradis.
Non, Dieu ne s’est pas réservé l’exclusivité du Bien et du Beau. L’acte même de la Création est une volonté de se donner et de rencontrer la créature sur son terrain, par l’amour, afin de la combler.
Non, Dieu ne se réserve pas le meilleur pour priver ses enfants de la connaissance ou de la liberté. Il a créé et mis dans nos cœurs ce à quoi nous aspirons. La Croix est la réponse définitive d’un Dieu attentif, qui se donne Lui Même en complète solidarité avec les plus faibles, les plus malades, les plus méprisés et avilis. Venu marcher sur notre terre, il a pris la place la plus humble, la plus méprisée, la plus rebutante. Qui irait de gaieté de cœur naître dans une étable un soir d’hiver au milieu des excréments d’animaux ? Qui accepterait de se laisser percer les mains et les pieds et de mourir sous la torture pour racheter au prix de toutes ses larmes et de tout son sang l’humanité enchaînée par l’ennemi de nos âmes ? Et ceci que pour ne parler que de son arrivée et de son départ !
Jésus le Christ, l’Oint du Seigneur s’est fait salut en acceptant d'être broyé, trituré même sur le moulin de la croix comme le sont les olives. Sa mort ignominieuse a fait de lui au plan symbolique l’huile inépuisable qui se communique et resplendit sur le front des rachetés, pour les introduire dans la vie fraternelle définitive, pour les combler en abondance, pour leur donner le nom qui sauve, pour en faire des princes. Marie sa mère, présente à la Crèche et à la Croix est intimement associée à cette œuvre de salut.
C’est elle qui a donné le jour à la Lumière, elle, la seule vierge sage, qui a rempli la lampe de l’humanité, qui a conçu le seul Culte parfait par son Fiat, écho respectueux et puissant du Fiat Lux des origines. C’est elle, mère attentive et généreuse, qui a reçu de Dieu l’huile qui redonne la vie à son fils (l’humanité) sur le point de mourir de faim. A Garges sur une icône, et partout dans le monde, elle ne cesse de la partager avec nous pour que nous soyons une communauté fraternelle en route pour l’éternité, pour que nous soyons rétablis dans notre vraie dimension de fils de Dieu.
Cette huile fait de nous des princes, laissons-la couler sur nos cœurs.
A la place de tes pères se lèveront tes fils ; sur toute la terre tu feras d'eux des princes.

IconeGarge-lès-Gonesse