mardi 12 mars 2013

Notre Père : demandes finales


Eglise Saint-Nicolas de Rilly-la-Montagne ( Marne)
 Le Pardon du Père à son Fils Prodigue.Vitrail  par René Champs.



J+M 

Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonons à ceux qui nous ont offensés


Magnifique demande, qui nous renvoie à l’essentiel, à la Genèse, premier livre de la Bible, qui la contient entièrement. On y lit que dans le plan de Dieu,  l’homme devait être divinisé. Ainsi, le serpent  qui a, pour ainsi dire, piraté ce projet ne mentait pas lorsqu’il affirmait: Vous serez comme des dieux.
Puis vint la faute. Dans le cœur des hommes alors privés de la lumière, la violence et l’agressivité se sont creusé un abîme. Dès le chapitre suivant de la Genèse, dit la Bible, Caïn tue Abel. Et pour quel motif !
La loi de Dieu, pour combler cette béance, intervient et la remplit. Au début ce sont des matériaux épais qu’il faut jeter dans cette fosse profonde. Pour cela Dieu nous enseignera que l’on ne tue pas pour un regard, pour un geste de colère, pour une dent cassée. Et ce sera fameuse loi du talion, œil pour œil, dent pour dent, qui introduisit fort heureusement de la modération dans les relations de justice entre les hommes jadis frères mais toujours plus féroces les uns envers les autres. N'était-il pas urgent de limiter le terrain des vengeances possibles ? le Lévitique les modèrera et ce fut un grand progrès :  Vie pour vie dit le livre saint, le troisième de la Bible, assortissant l’adage de recommandations que l’humanité aurait gagné à appliquer toujours telles que :
"Les pères ne seront pas mis à mort pour les fils et les fils ne seront pas mis à mort pour les pères".
Mais il faut aller plus loin. Dans ce même Lévitique le dessein d’amour de Dieu est précisé :  
"tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis l’Éternel."  Lévitique 19:18  , qu’on pourrait, si on l’osait, gloser ainsi : Tu aimeras ton prochain comme toi-même parce que je suis Dieu, parce que tu me ressembles et que tu es mon enfant, et si tu n’as pas envie de le faire parce que fondamentalement tu es méchant, vindicatif et rancunier, fais-le parce que tu te souviens que, si  je suis ton Dieu, je suis aussi celui de ton prochain. Si tu ne le fais pas pour lui, fais-le pour moi

Jésus précise et magnifie ce projet :
« Vous avez appris qu’il a été dit : ‘œil pour œil et dent pour dent’. Et moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Au contraire, si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre. À qui veut te mener devant le juge pour prendre ta tunique, laisse aussi ton manteau. Si quelqu’un te force à faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. À qui te demande, donne ; à qui veut t’emprunter, ne tourne pas le dos. »  Matthieu 5: 38-42

Il y a plus.
On se souvient que dans le récit de la Résurrection selon St Jean Marie Madeleine prend Jésus pour le jardinier.
Cette indication de St Jean n’est pas fortuite : Marie Madeleine voit en Jésus à juste titre, et par révélation le Divin Jardinier de l’Eden, celui qui venait à la fraicheur du soir parler avec l’homme et le diviniser par sa Parole.
Or le message du Divin Jardinier n'a pas varié  : en pratiquant le pardon, vous devenez comme des dieux, vous êtes divinisés (vous êtes fils de votre Père qui est dans les Cieux) :
« Mais moi, je vous dis: Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. Matthieu5 : 44-45

Ainsi la cinquième demande du Notre Père nous rétablit fermement dans la filiation, fait de nous par Jésus des enfants du Père et nous aspire dans la divinité pour faire de nous… des dieux 


Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement ; et le pain que je donnerai, c'est ma chair, que je donnerai pour la vie du monde. Jean 6:51

***


  Ne nous laisse pas entrer en tentation :


J+M
Ne nous « laisse pas succomber »   à la tentation, disait jadis l’Eglise. On proposa une nouvelle traduction du Pater dans les années 60 qui disait « Ne nous soumets pas » à la tentation.  Et cette demande ne rendant pas justice à l toute ’idée exprimée par la prière dominicale, on proposa alors ne « nous laisse pas entrer en tentation ». Toutes ces formules, plus ou moins approximativement face au latin « ne nos inducas in tentationem », pointent une faiblesse : la nôtre, et une force, celle de Dieu, Père aimant qui, là encore ne nous abandonnera pas sur la route des difficultés ordinaires.
En réponse à notre fascination pour le mal, pour ce qui est funeste, sale et peu utile en somme, la prévenance de Dieu est ainsi soulignée et fait écho à l’admirable affirmation de Jésus « Sans Moi, vous ne pouvez rien faire ». (Jn 15,5)
La tentation est personnifiée dès les origines, dès la Genèse donc par ce mal tapi à la porte tel une bête inquiétante.
Si Dieu le pointe, c’est pour mettre en garde Caïn (Gen,4 ;7). Hélas, il succombera à la tentation de se débarrasser d’un rival, lui aussi. On voit quelle valeur ont ces divines mises en garde car le cœur de Dieu nous connait.  C’est bien pourquoi la prière du Seigneur nous permet de prendre en compte notre faiblesse et de ne pas fanfaronner devant le mal : nous sommes hélas miscibles avec lui, mieux vaut donc ne pas s’en approcher. L’idéal, come disait l’acte de contrition, serait « d’en éviter les occasions ». Et la demande exprimée ici montre que notre fragilité, unie à la Force d’En-Haut, peut devenir triomphe. Si la tentation est inévitable, elle n’en est pas moins occasion de victoire. Vaincue, elle ajoute à l’âme des mérites et montre la force et la prévenance de Dieu.
Nous avons, là encore, à agir selon nos moyens et, plus encore à laisser Dieu agir selon les siens. Ayons confiance : ils sont Illimités.


Mais délivre -nous du mal.


Les rôles sont clairement établis. Nous luttons pour ne pas entrer en tentation, malgré notre attirance pour ce qui est, disons, toxique, et Dieu, lui, nous libère du mal. Du mal intérieur et du mal extérieur. C’est son rôle. Pas le nôtre. Le mal multiforme    nous entoure, nous submerge parfois. Ayons confiance : Dieu a fait ses preuves et nous en délivrera. Il nous délivrera des conséquences du mal que nous avons causé, et de celles du mal que nous avons subi. Nous entrerons dans la dynamique victorieuse de celui qui n’est que bien, qui a fait de sa Croix , horrible supplice, un instrument de salut universel.

mercredi 6 mars 2013

Notre Père 6 : Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour


J+M
Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour.

Il y a dans cette demande quelque chose de frappant de justesse, un je ne sais-quoi d’abandonné, de confiant, de pauvre qui est le fait d’une vraie noblesse. En effet par cette prière humble, aux antipodes des messages que le monde martèle avec fureur on demande du pain, le pain d’aujourd’hui et rien d’autre.

Ni richesses
Ni honneurs
Ni prestiges
Pas même le pain de demain dont on pourrait s’enrichir.
On est comme les Hébreux suivant la Nuée habitée par la Présence de Dieu qui recueillent de la bonté de Dieu la manne du jour et n’en font point provision.
Avec un certain abandon et une confiance décidée on va à l’essentiel, sûrs d’être entendus.

Or, à plusieurs titres, ce pain est l’essentiel.

D’abord parce qu’il nourrit le corps. Humblement, totalement, complètement. On dit qu’il y a tout ce qu’il faut pour la vie dans le pain tout ce qui est nécessaire à la santé.
Accessible, efficace, souverain, l’aliment par excellence, le pain est aussi remède. Particulièrement contre les désordres de la volonté, les appétits désordonnés de richesse, les excès si prompts à éclore et si longs à guérir. Or demander le pain seul n’est-ce pas demander à Dieu d’être protégé de l’intempérance ?
Et bien sûr il y a plus. Infiniment plus.

Comme toujours quand il s’agit de recevoir de Dieu, inépuisable en générosité.
Voilà le pain Eucharistique, le pain du Ciel, celui que donne Dieu et qui est Dieu Lui-même. Pain supplié, demandé, pain qu’il faut prendre chaque jour pour avancer. Comment ferait-on autrement ? Nous le savons et il est doux de s’en souvenir : celui qui mange ce pain aura la vie éternelle.
Ce pain qui nourrit en nous la communion avec Dieu nous fait avancer chaque jour plus avant sur les routes de l’éternité.

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Les armes du combat


Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement ; et le pain que je donnerai, c'est ma chair, que je donnerai pour la vie du monde. Jn 6:51

lundi 4 mars 2013

Notre Père 5 : Que ta volonté soit faite sur la Terre comme au Ciel

5 : Que ta volonté soit faite 

Fiat voluntas tua
La 4ème demande du Notre Père semble nous dépouiller de notre faculté d’initiative. Pourtant, à y bien regarder, et convaincus que la volonté de Dieu est mue par le bien seul elle revient à poser un acte de confiance et de foi.
Faire la volonté de Dieu c’était, on s’en souvient pour l’avoir lu dans Saint Jean la nourriture de Jésus (Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé ).
Elle est belle et dure comme une gemme de grand prix cette demande qui confie à Dieu le gouvernement de nos pensées et désirs, elle est libératoire aussi car si je me dépouille volontairement des oripeaux de volonté qui m’enserrent pour entrer dans la volonté de celui qui veut plus que tout mon bien, je gagne une paix et une assurance incomparables.

On est là encore devant un de ces prodigieux paradoxes dont la vie en Dieu regorge pour confondre ceux qui se croient sages : l’abandon de notre pseudo souveraineté, celle qu’Adam avait voulu arracher à l’arbre de l’Eden, fait de nous par l’Onction de Jésus à Gethsémani des princes et des fils de Dieu. Au moment sublime où l’Oint, le Christ est devenu lui-même onction en acceptant d’être broyé au pressoir de la Croix, il a prononcé ces mots sublimes. C’était au jardin des Oliviers, et le Seigneur était devenu cette Olive sainte qui allait être affreusement triturée par la mort afin que nous ayons la vie.  
La défiance d’Adam a ainsi été vaincue par l’abandon du Christ, son Non a été effacé par le Oui de Jésus, et les deux scènes où s’est joué notre destin éternel l’ont été sous un arbre. Dans le premier acte, le serpent a triomphé, dans le dernier il a été terrassé, c’est ce en quoi l’obéissance de Jésus jusqu’à la mort est une victoire, malgré les affreuses apparences

Oh ! Combien il doit être délicieux de faire confiance à Dieu au point de lui abandonner même nos désirs. En demandant à Dieu que sa Volonté soit faite sur la terre, nous nous situons déjà, par faveur anticipée, au Ciel.
La Prière de Jésus ouvre ainsi les portes du Royaume et permet à Dieu de descendre, comme il le faisait jadis dans la fraicheur du soir, pour être avec l’Homme. Il y a dans ces mots donnés par le Seigneur une vertu inimaginable qui permet au Ciel de retrouver la terre, et actualise éternellement la rencontre sacrée symbolisée par la Croix dans laquelle l’horizontal terrestre rejoint le vertical céleste dans la personne d’un Homme-Dieu qui s’immole pour nous.

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 Les armes du combat :
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Il est un baptême dont je dois être baptisé, et combien il me tarde qu'il soit accompli ! Lc, 12,50