J+M
Je t’emmènerai au désert et là je parlerai à ton cœur (Osée 2:14)
Dans ces lieux que j’habite à présent on n’imagine pas
abruptement le désert. Ici tout n’est que verte rotondité, exubérante
végétation, troupeaux paissant avec un acharnement paisible de verts pâturages
qui eussent parfaitement convenu au Roi David. Loin des steppes
castillanes qui, elles, évoquent parfois, par leur démesure et leur lumière une
étendue désertique, les monts cantabriques en Espagne sont à la fois féconds et
peuplés. Il ne s’agit donc en l’espèce d’une rêverie sur un paysage imprégnant
un cœur distrait, mais bien de la contemplation d’une sorte de désert intime.
Cela a été traité à l’infini, je ne m’étendrai pas sur
la désolante propension du cœur humain à produire des déserts. A désertifier
les labours de la grâce et à dé-forester la capacité de paradis qu’il y en a
nous. Les outils de coupe sont inventoriés, la raison (celle que l’on vit
brièvement trôner sur nos autels en France pendant la Terreur), la matérialité,
l’égoïsme … Comme celui des démons qui se réfugièrent jadis dans tout un
troupeau de porcs, leur nom est légion. Mais force est de reconnaître que le
désert gagne, il est partout.
Et l’aventure spirituelle ne consiste pas à nier le
désert ou à en faire reculer les limites car cela seuls quelques héros en ont
le privilège, mais à l’accepter.
Accepter son propre désert d’amour.
Désert intime et ravageant. Nous restons de marbre
devant la Croix. Devant une Pietà. Devant le miracle eucharistique. Devant
l’infinie souffrance humaine brassée par la vie. Nous justifions tout,
acceptons tout. Expliquons tout.
Et peu à peu notre cœur devient un désert où ne pousse
aucun fruit de compassion, de partage, de simple solidarité.
Désert liturgique. Accablant silence de nos cœurs
faits pour la philocalie et la louange. Rien.
Et soudain, Miracle, Tu es là
Tu opères en nous le vouloir et le faire, et dans nos
aridités tu fais couler le fleuve de Ton Cœur Ouvert.
Et la steppe exulte et fleurit, conformément à Ta
Parole.
Nos âmes sont couvertes de ta rosée.
Tu es Merveilleux Seigneur !