dimanche 4 juillet 2010

Du pain et des roses

 Rainha Santa Isabel, Nós Vos pedimos, Senhor, por intercessão desta Santa Rainha  as graças de que tanto precisamos  em modo particular a paz nos nossos corações e nos nossos lares.
J+M

Une remarque en préalable. Le Portugal, terre d'exil et de voyageurs, a pour saints principaux deux exilés. Ainsi Saint Antoine, lisboète de souche, est connu paradoxalement comme St Antoine de Padoue. Quand à Sainte Elisabeth du Portugal que le pays fête ce jour, elle naquit en Espagne dans la famille royale d’Aragon, devint reine, mère et sainte au Portugal avant de rendre son âme à Dieu sur la route en tentant, comme elle n’avait cessé de la faire, de rétablir la paix dans sa turbulente famille de princes ennemis.
Cette interculturalité chrétienne n’est-elle pas le signe de l’universalité de ceux qui affirment avec Saint Paul “pour nous, notre patrie est dans les cieux” ? (Phil, 3:20) . Elle n’exclut certainement pas l’amour de la patrie terrestre, et ne le dilue en aucun cas dans une globalisation anonyme : être chrétien c’est bien se doter au contraire d’un message universel, que tous peuvent entendre.
C’est pourquoi une Elisabeth qui quitte sa patrie pour aller devenir reine dans un royaume voisin illustre le destin de l' âme. Elle actualise prophétiquement la noblesse de la vocation de tout homme, qui devra un jour quitter ce monde pour régner avec le Roi des rois et lui devenir semblable. A condition d’avoir accepté et reçu l’amour de Dieu, et d’avoir décidé de lui ressembler.
Elisabeth nous montre que cet appel est possible dans tous les états de vie. On se souviens de l’exhortation de saint François : fleuris où tu es semé. Semée dans une famille princière, exposée aux dangers incessants de l’intrigue et de la fortune, elle considéra tout ceci à sa juste valeur pour n’aspirer qu’aux biens du Ciel qu’elle fit fleurir autour d’elle pour ceux qui l’approchaient.

Le prêtre qui ce matin rappelait sa mémoire au Portugal employait un raccourci intéressant : Mère et Sainte, et d’autant plus sainte que mère, et d’autant plus mère que sainte. Tous les états qu’elle a connus ont été en effet autant de tremplins pour s’élancer avec fougue vers le Ciel. Elle qui souhaitait être moniale dut se marier, elle qui souhaitait venir en aide aux pauvres dut lutter contre les exigences de son mari. Amoureuse de la paix, elle dut voir son fils aîné s’opposer à son père, allant jusqu’à prendre les armes contre lui, puis un de ses petits-enfants, prince d’une autre contrée, déclarer la guerre à son pays.

Le pain et les roses sont donc à l’honneur aujourd’hui 4 juillet, intimement associés à la fête de sainte Elisabeth du Portugal dont ce blog a déjà évoqué la figure ici et . Le pain bien sûr puisqu’il représente à juste titre l’alimentation, et par extension ce qui est nécessaire pour vivre. Mais ce n’est pas tout. Même Jésus dira à Satan qui le tente que l’homme ne vit pas seulement de pain. Il y a aussi les roses, tout aussi nécessaires. Les roses qui représentent la nature dans sa beauté, celle qui réjouit les yeux. Elles symbolisent aussi les vertus, lesquelles embaument la vie du croyant comme le font les fleurs.
La fête de ce jour ne dissocie pas le pain et les roses, et c’est tant mieux. Car le don que faisait perpétuellement la reine de sa vie et de sa fortune en venant au secours des nécessiteux ne leur donnait pas seulement de quoi vivre, mais bien aussi une raison de vivre. En voyant leur détresse soulagée, les pauvres pouvaient croire à la vérité de la Bonne Nouvelle du salut. A ce titre, les roses que sainte Elisabeth vit un jour apparaître miraculeusement dans son manteau représentent l’amour dont elle se faisait la messagère, le canal visible. C’était cela sa sainteté à elle, se faire transparente à Dieu pour que les hommes puissent Le voir à l’œuvre à travers ses actions.
On retiendra que cet amour lui fit un jour laver, puis donner un baiser aux plaies d’une malheureuse dont tous s’écartaient du fait de ses ulcères nauséabonds. Ce baiser aussitôt la guérit.

Devenir soi-même pain et devenir soi-même rose, c’est imiter ce que fit le Seigneur dont l’amour est devenu nourriture, capable d’alimenter chaque jour ses fidèles. Le sacrifice sur l’arbre de la Croix au plan symbolique anéantit l’œuvre des ténèbres qui commença elle aussi sous un arbre. Jésus est devenu lui-même le fruit qui pendait de l’arbre de la Croix et dont le corps donné en nourriture à ceux qui l’aiment guérit des morsures du serpent. Et c’est son sang qui a fait fleurir, comme le dit la liturgie, les roses du salut.

Sainte Elisabeth du Portugal, entièrement donnée au Christ au point d’œuvrer les mêmes miracles que lui, fut, elle aussi pain pour son peuple, qu’elle nourrit et à qui elle enseigna par l’exemple d’une vie configurée à celle de Jésus. Le Portugal qui célèbre sa fête par du pain et des roses récapitule donc fidèlement son message à travers deux symboles simples dont la portée est universelle.