samedi 30 janvier 2010

Eperdus et bénis

Louez et bénissez mon Seigneur, rendez-lui grâce et servez-le en toute humilité !
J+M


Quand j’étais enfant, je me souviens que nous accordions une certaine importance au fait d’avoir de l’eau bénite. Les gens pieux la tenaient dans de jolis bénitiers dans leur chambre. On aimait aussi que les médailles soient bénies, les cierges de la Chandeleur que l’on rapportait à la maison devaient l’être aussi tout comme les rameaux que l’on coupait pour la cérémonie printanière qui précédait Pâques. Toutes ces bénédictions étaient entourées d’un certain halo de mystère et de révérence sans que l’on sache très bien ce que cela représente, et c’est bien normal : nous étions encore à cet âge où l’on accepte le sacré sans questions et comme une sorte d’évidence, ce qui est peut être le fruit de la grâce baptismale non encore délitée.
Une chose était claire : le privilège de la bénédiction était réservé aux prêtres, même s’ils l’accomplissaient volontiers pour les autres. Ainsi, je me souviens des génuflexions de la fin de la messe, marquant le moment solennel de la bénédiction finale reçue dévotement, comme du Ciel lui-même. Peut-être dans notre incompréhension d’enfant étions nous comme ces prélats que Boileau décrit joyeusement dans Le Lutrin (chant V) :

Cette foi a évolué bien sûr. Paradoxalement, malgré cette exposition précoce au trésor ancien des bénédictions "catholiques "(si j’ose dire, car évidemment une bénédiction n’est pas assujettie à une dénomination chrétienne) c’est au contact de nos frères évangéliques que j’ai redécouvert l’importance de la bénédiction que tout chrétien peut – et devrait - donner lui-même, en sa qualité de membre du peuple choisi, prêtre, prophète et roi. (1 Pierre 2 :9)
Les évangéliques la proclament sans honte et sans mesure, mus par ce zèle qui nous étonne toujours nous qui avons toujours si peur d’apparaître comme des exaltés.
Cette bénédiction, extrêmement précieuse et salutaire, qui s’incorpore à la Bénédiction par excellence, celle de Dieu qui nous a accordé son Fils comme remède s’exerce dans trois directions.
En premier lieu, nous avons le privilège et aussi le devoir le bénir Dieu, Celui que les hébreux, nos ancêtres dans la foi appelaient avec une extraordinaire révérence le Saint béni soit-il.
Bénir Celui qui est la source de toute bénédictions ? Oui, et s’insérer ainsi dans la dynamique de grâce et de dons réciproques qu’Il a voulue et qui préside à la Création !
De ce fait, les Psaumes, le Nouveau Testament et les textes innombrables des saints sont émaillés d’exemples de cette invitation universelle à bénir le Seigneur. Ainsi le court Psaume 134 nous révèle un secret :
Bénissez le Seigneur
Vous tous serviteurs du Seigneur
Qui demeurez dans la maison de Dieu
Durant les heures de la nuit.
Bénir le Seigneur, c’est donc demeurer dans la maison de Dieu, c’est y établir son droit de résidence, c’est être porteur du Royaume sur la terre.

Certes, bénir Dieu n’ajoutera rien à sa gloire, mais nous aidera, les yeux et le cœur fixés sur Lui, à nous ajuster à Lui, à devenir à semblables Lui qui est le Don Parfait. Ce n’est ni un exercice rhétorique, ni une formule magique, mais l’expression de la reconnaissance et de l’amour d’un enfant vers son Père céleste dont il a tout reçu.

En deuxième lieu, l’Ecriture nous presse avec instance de bénir la Création. Nous sommes par la vertu du baptême qui nous a incorporés au Corps du Christ les ministres (c’est à dire les serviteurs, les délégués) témoins de Son alliance avec l’Humanité.
Alliance inégale, où le Tout s’allie au rien, le Parfait à l’imparfait, l’Infini au borné, mesuré, limité que nous sommes. Cette alliance, inimaginable dans le sens de l’homme vers Dieu ne pouvait que venir de Lui. Or elle est scellée depuis Abraham, figurée par le sang des animaux offerts en holocauste. Elle sera accomplie parfaitement depuis que le Christ a été immolé pour notre relèvement.
Libérée du péché, la Création aspire à la bénédiction. Ce geste de bénir terre et vents, semailles et moissons, eaux et feu comme le faisait St François est une action de grâces de grande valeur que tous et toutes pouvons faire même sans grand effort et sans préparation théologique.
Il suffit d’entrer dans la louange et la solidarité avec Dieu et avec nos frères, et appeler Sa grâce sur les efforts de tous les travailleurs, de tous les paysages. Les terrains sculptés par les paysans, les forestiers, les constructeurs deviennent ou sont affermis comme éléments de la liturgie cosmique qui se célèbre pour la Gloire de Dieu. Et si Dieu entend nos bénédictions et y répond par la Sienne, l’espace gagné au mal est appelé à rétrécir … pour notre plus grand bien.
Certes, ce n’est pas ainsi que nous en viendront à bout, mais Dieu se plait à ajouter Sa force à notre faiblesse, et si nous bénissions au lieu de médire et de maudire, de grandes choses se passeront dans nos cercles de vie et notre entourage.
Bénissons, Dieu fera le reste. Une simple prière mentale peut suffire à désarmer un conflit, à faire grandir l’autre dans l’estime de soi et l’acceptation de l’autre. Prier pour que Dieu bénisse une moisson peut, j’en suis intiment convaincu, conduire les hommes et les femmes qui en mangeront le fruit à l’action de grâce et la louange. Ces gestes de prières, ces avant goûts d’éternité que nous posons, de quel poids pèsent-ils dans l’économie du Salut si Dieu lui-même se met dans la balance ?
Enfin bénir le créé c’est aussi affirmer la paternité bienveillante de Dieu dans toute chose, loin de toute démarche de possession et d’appropriation. Cela revient pourtant aussi à s’associer à l’œuvre créatrice, car nous nous mettons par l’adoration et la louange, inséparables de la bénédiction, dans les dispositions intimes qui permettent entendre le Père nous dire :
... Mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi... Luc 15:31


Nous nous appliquerions à bénir nos enfants et nos proches avec attention comme le fit Isaac pour son fils Jacob si nous connaissions l’inestimable valeur de cet acte. Rebecca, qui le connaissait, n'hésita pas a recourir à la tromperie que l'on sait (Genèse 27:10)afin de l'obtenir pour son préféré, mais depuis la venue du Christ nous savons que nous sommes tous, à un titre ou à un autre les préférés de Dieu. Or la paternité (ou maternité, peu importe) est certainement reçue de Dieu, qui en est la source. Nous sommes tous, comme dit le début de l’évangile de Luc « fils d’Adam, fils de Dieu » Luc 3:38. Bénissions nos proches au nom de Dieu, en particulier s'ils ont besoin d'énergie spirituelle pour avancer.

Dernier point, et non le moindre ! et sans doute le plus difficile : c’est celui que demande avec force l’évangile, (la voix de Dieu écrite sur les parchemins des hommes). Nous avons à bénir nos ennemis et nos adversaires.

... bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous maltraitent. ... bénissez ceux qui vous maudissent ; priez pour ceux qui vous font du tort. Luc 6:28...
Lorsque je bénis celui qui me heurte ou me blesse ou me persécute, j’invite Toute la puissance de Dieu, tout son amour et toute sa force dans ce conflit. Ce n’est plus mon combat, mais son combat.
Deux conséquences immédiates : je gagne la paix de savoir que Celui qui peut tout s’en occupe. Deuxième conséquence je m’ajuste à – je me mets à ressembler à..., je deviens juste comme- celui qui, innocent, a porté le poids de ma propre iniquité sur le chemin du Calvaire et l’a effacée.

Bénir c’est donc exercer un droit de fils Dieu, un ministère que tous partagent, un bienfait dont la Terre a besoin. Bénissons pour exulter de joie comme Saint François, et le monde s’en trouvera grandi et embelli et nous serons encore plus fils de ce Dieu qui accorde à cette terre grâces et bénédictions sans compter.

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Les armes du combat :

Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, qui nous a bénis de toutes sortes de bénédictions spirituelles dans les lieux célestes en Christ !

... nous nous fatiguons à travailler de nos propres mains ; injuriés, nous bénissons ; persécutés, nous supportons ...

... Bénissez ceux qui vous persécutent, bénissez et ne maudissez pas.

... bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous maltraitent. ...

... Ne rendez point mal pour mal, ou injure pour injure ; bénissez, au contraire, car c'est à cela que vous avez été appelés, afin d'hériter la bénédiction. ...


... Lorsque tu mangeras et te rassasieras, tu béniras l'Eternel, ton Dieu, pour le bon pays qu'il t'a donné. ...

dimanche 17 janvier 2010

L'Eternel n'était pas dans le tremblement de terre.

cathédrale d'Haïti
J+M



Après le terrible choc de la semaine passée, les angoisses et les interrogations, les pourquoi? de toute espèce qui fusent au cœur, voici, peu à peu, et très lentement, le temps de quelques réponses de Dieu qui, comme toujours, parle à l’intime et sans fracas. Comme Élie sur le Carmel, nous savons que Dieu n’est pas dans le tremblement de Terre, mais bien dans le “murmure doux et légerle bruit d’un léger silence”. (I Rois 19 12)
Ce silence est nécessaire pour pouvoir regarder dans la foi ce qui s’est passé dans l’île martyre et y discerner malgré nos épaisseurs les signes subtils de la réponse de notre Dieu à la violence des éléments.
La première interrogation c’est l’antique question prophétique, reflet d’une angoisse congénitale devant la destinée, le triomphe du Mal ou la souffrance des petits : le bras de Dieu est-il devenu trop court?

Clairement, la réponse est non. Nous ne savons ni les tenants ni les aboutissants de ce drame, mais nous avons les éléments qu’il faut pour le regarder dans la foi , certains que Dieu ne permet le mal et la souffrance qu’à la condition expresse de pouvoir en retirer un bien supérieur. (Rom 8 : 28)

Ce bien supérieur existe heureusement dans l’ océan de souffrance dans lequel est plongé le peuple haïtien, on y trouvera dans la foi des éléments qui permettent de glorifier le Seigneur.

Ainsi la dignité et la solidarité du peuple haïtien. Meurtri, ce peuple se reconstruit, pleure ses morts et avance pour sa survie. On a signalé des actes de banditisme, et on les a stigmatisés depuis nos salons européens, sans chercher à savoir quelle en est l’origine ni au nom de quoi on s’érigerait en juges du malheur d’autrui. Il y a du banditisme partout, il est toujours marginal. Devant ce grand fleuve qui charrie de la boue et de l’or, comme le poète, préférons regarder l’or qui représente le dynamisme et la solidarité des habitants de l’île.
En gardant humblement à l’esprit que dans des circonstances moins difficiles, beaucoup d’entre nous seraient peut-être prêts à s’entretuer pour moins encore qu’un peu de pain et d’eau pour leurs enfants.

Les catholiques ont été frappés de voir que l’archevêque est mort avec les 50 ou 100 000 mille haïtiens qui se sont retrouvés soudain devant le tribunal du Christ. D’un point de vue spirituel, on devine que le pasteur est allé avec son troupeau au-delà de la vallée de l’ombre vers la Bergerie éternelle du cœur de Dieu. Ils ont payé de leur sang le droit à l’attention internationale sur leur pays qui leur était le plus souvent refusée par nous.
L’immense solidarité internationale qui se déploie à présent est un défi, dans le village virtuel dans lequel nous habitons, pour chacun d’entre nous. La souffrance de nos frères ne concerne pas seulement les États et la Croix Rouge, mais qu’elle nous invite tous à une réponse, et une réponse généreuse. Jésus a loué l’obole de veuve qui apportait au Temple l’offrande de son nécessaire, il nous appartient d’agir de même, et d’apporter généreusement à la reconstruction de Son Corps en Haïti (infiniment plus précieux que tous les Temples) le fruit de nos efforts et de notre solidarité.

Nous retrouverons ces martyrs des forces telluriques le jour du jugement dernier, et Jésus aura leur visage pour nous dire : j’avais faim et vous m’avez donné à manger, j’avais soif et vous m’avez donné à boire.

Je suis sûr que Dieu a permis cette souffrance pour révéler au monde qu’il est aux côtés de chaque enfant haïtien qui cherche ses parents, de chaque parent haïtien qui cherche ses enfants comme jadis Rachel "Rachel qui pleure ses enfants et ne veut pas qu'on la console" (Mt 2, 18).

Car aussi profondément que l’homme souffre, il a toujours été précédé par un Dieu qui s’est fait aimant et vulnérable. Aujourd’hui il nous revient de consoler Dieu en Haïti, essayons de ne pas rater ce rendez-vous.



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Les armes du Combat :

1 Rois : 19 11-13

Et voici, l'Eternel passa. Et devant l'Eternel, il y eut un vent fort et violent qui déchirait les montagnes et brisait les rochers : l'Eternel n'était pas dans le vent. Et après le vent, ce fut un tremblement de terre: l'Eternel n'était pas dans le tremblement de terre. Et après le tremblement de terre, un feu : l'Eternel n'était pas dans le feu. Et après le feu, un murmure doux et léger. Quand Elie l'entendit, il s'enveloppa le visage de son manteau, il sortit et se tint à l'entrée de la caverne.

Mt 25 : 35
Car j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger, j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire, j'étais un étranger et vous m'avez accueilli.

Luc 21 : 4
En vérité, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis plus que tout le monde. Car tous ceux-là ont pris sur leur superflu pour faire leur offrande, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a donné tout ce qu’elle avait pour vivre.

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Solidaires avec l’AED (Aide à l’Église en Détresse)