
J+M
Quand j’étais enfant, je me souviens que nous
accordions une certaine importance au fait d’avoir de l’eau bénite. Les gens
pieux la tenaient dans de jolis bénitiers dans leur chambre. On aimait aussi
que les médailles soient bénies, les cierges de la Chandeleur que l’on
rapportait à la maison devaient l’être aussi tout comme les rameaux que l’on
coupait pour la cérémonie printanière qui précédait Pâques. Toutes ces
bénédictions étaient entourées d’un certain halo de mystère et de révérence
sans que l’on sache très bien ce que cela représente, et c’est bien normal :
nous étions encore à cet âge où l’on accepte le sacré sans questions et comme
une sorte d’évidence, ce qui est peut être le fruit de la grâce baptismale non
encore délitée.
Une chose était claire : le privilège de la bénédiction était
réservé aux prêtres, même s’ils l’accomplissaient volontiers pour les autres.
Ainsi, je me souviens des génuflexions de la fin de la messe, marquant le
moment solennel de la bénédiction finale reçue dévotement, comme du Ciel lui-même.
Peut-être dans notre incompréhension d’enfant étions nous comme ces prélats que
Boileau décrit joyeusement dans Le Lutrin (chant V) :
Cette foi a évolué bien sûr. Paradoxalement, malgré
cette exposition précoce au trésor ancien des bénédictions "catholiques
"(si j’ose dire, car évidemment une bénédiction n’est pas assujettie à une
dénomination chrétienne) c’est au contact de nos frères évangéliques que j’ai
redécouvert l’importance de la bénédiction que tout chrétien peut – et devrait
- donner lui-même, en sa qualité de membre du peuple choisi, prêtre, prophète
et roi. (1 Pierre 2 :9)
Les évangéliques la proclament sans honte et sans
mesure, mus par ce zèle qui nous étonne toujours nous qui avons toujours si
peur d’apparaître comme des exaltés.
Cette bénédiction, extrêmement précieuse et salutaire,
qui s’incorpore à la Bénédiction par excellence, celle de Dieu qui nous a accordé
son Fils comme remède s’exerce dans trois directions.
En premier lieu, nous avons le privilège et aussi le
devoir le bénir Dieu, Celui que les hébreux, nos ancêtres dans la foi
appelaient avec une extraordinaire révérence le Saint béni soit-il.
Bénir Celui qui est la source de toute bénédictions ?
Oui, et s’insérer ainsi dans la dynamique de grâce et de dons réciproques qu’Il
a voulue et qui préside à la Création !
De ce fait, les Psaumes, le Nouveau Testament et les
textes innombrables des saints sont émaillés d’exemples de cette invitation
universelle à bénir le Seigneur. Ainsi le court Psaume 134 nous révèle un
secret :
Bénissez le Seigneur
Vous tous serviteurs du Seigneur
Qui demeurez dans la maison de Dieu
Durant les heures de la nuit.
Bénir le Seigneur, c’est donc demeurer dans la maison
de Dieu, c’est y établir son droit de résidence, c’est être porteur du Royaume
sur la terre.
Certes, bénir Dieu n’ajoutera rien à sa gloire, mais
nous aidera, les yeux et le cœur fixés sur Lui, à nous ajuster à Lui, à devenir
à semblables Lui qui est le Don Parfait. Ce n’est ni un exercice rhétorique, ni
une formule magique, mais l’expression de la reconnaissance et de l’amour d’un
enfant vers son Père céleste dont il a tout reçu.
En deuxième lieu, l’Ecriture nous presse avec instance
de bénir la Création. Nous sommes par la vertu du baptême qui nous a incorporés
au Corps du Christ les ministres (c’est à dire les serviteurs, les délégués)
témoins de Son alliance avec l’Humanité.
Alliance inégale, où le Tout s’allie au rien, le
Parfait à l’imparfait, l’Infini au borné, mesuré, limité que nous sommes. Cette
alliance, inimaginable dans le sens de l’homme vers Dieu ne pouvait que venir
de Lui. Or elle est scellée depuis Abraham, figurée par le sang des animaux
offerts en holocauste. Elle sera accomplie parfaitement depuis que le Christ a
été immolé pour notre relèvement.
Libérée du péché, la Création aspire à la bénédiction.
Ce geste de bénir terre et vents, semailles et moissons, eaux et feu comme le
faisait St François est une action de grâces de grande valeur que tous et
toutes pouvons faire même sans grand effort et sans préparation théologique.
Il suffit d’entrer dans la louange et la solidarité
avec Dieu et avec nos frères, et appeler Sa grâce sur les efforts de tous les
travailleurs, de tous les paysages. Les terrains sculptés par les paysans, les
forestiers, les constructeurs deviennent ou sont affermis comme éléments
de la liturgie cosmique qui se célèbre pour la Gloire de Dieu. Et si
Dieu entend nos bénédictions et y répond par la Sienne, l’espace gagné au mal
est appelé à rétrécir … pour notre plus grand bien.
Certes, ce n’est pas ainsi que nous en viendront à
bout, mais Dieu se plait à ajouter Sa force à notre faiblesse, et si nous
bénissions au lieu de médire et de maudire, de grandes choses se passeront dans
nos cercles de vie et notre entourage.
Bénissons, Dieu fera le reste. Une simple prière
mentale peut suffire à désarmer un conflit, à faire grandir l’autre dans
l’estime de soi et l’acceptation de l’autre. Prier pour que Dieu bénisse une
moisson peut, j’en suis intiment convaincu, conduire les hommes et les femmes
qui en mangeront le fruit à l’action de grâce et la louange. Ces gestes de
prières, ces avant goûts d’éternité que nous posons, de quel poids pèsent-ils
dans l’économie du Salut si Dieu lui-même se met dans la balance ?
Enfin bénir le créé c’est aussi affirmer la paternité
bienveillante de Dieu dans toute chose, loin de toute démarche de possession et
d’appropriation. Cela revient pourtant aussi à s’associer à l’œuvre créatrice,
car nous nous mettons par l’adoration et la louange, inséparables de la
bénédiction, dans les dispositions intimes qui permettent entendre le Père nous
dire :
... Mon enfant, tu es toujours avec moi,
et tout ce qui est à moi est à toi... Luc 15:31
Nous nous appliquerions à bénir nos enfants et nos
proches avec attention comme le fit Isaac pour son fils Jacob si nous
connaissions l’inestimable valeur de cet acte. Rebecca, qui le connaissait,
n'hésita pas a recourir à la tromperie que l'on sait (Genèse 27:10)afin de
l'obtenir pour son préféré, mais depuis la venue du Christ nous savons que nous
sommes tous, à un titre ou à un autre les préférés de Dieu. Or la paternité (ou
maternité, peu importe) est certainement reçue de Dieu, qui en est la source.
Nous sommes tous, comme dit le début de l’évangile de Luc « fils d’Adam, fils
de Dieu » Luc 3:38. Bénissions nos proches au nom de Dieu, en particulier s'ils
ont besoin d'énergie spirituelle pour avancer.
Dernier point, et non le moindre ! et sans doute le
plus difficile : c’est celui que demande avec force l’évangile, (la voix de
Dieu écrite sur les parchemins des hommes). Nous avons à bénir nos ennemis et
nos adversaires.
... bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux
qui vous maltraitent. ... bénissez ceux qui vous maudissent ; priez pour ceux
qui vous font du tort. Luc 6:28...
Lorsque je bénis celui qui me heurte ou me blesse ou
me persécute, j’invite Toute la puissance de
Dieu, tout son amour et toute sa
force dans ce conflit. Ce n’est plus mon combat, mais son combat.
Deux conséquences immédiates : je gagne la paix de
savoir que Celui qui peut tout s’en occupe. Deuxième conséquence je m’ajuste à
– je me mets à ressembler à..., je deviens juste comme- celui qui, innocent, a
porté le poids de ma propre iniquité sur le chemin du Calvaire et l’a effacée.
Bénir c’est donc exercer un droit de fils Dieu, un
ministère que tous partagent, un bienfait dont la Terre a besoin. Bénissons
pour exulter de joie comme Saint François,
et le monde s’en trouvera grandi et embelli et nous serons encore plus fils de
ce Dieu qui accorde à cette terre grâces et bénédictions sans compter.
*****
Les armes du combat :
Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur
Jésus-Christ, qui nous a bénis de toutes sortes de bénédictions spirituelles
dans les lieux célestes en Christ !
... nous nous fatiguons à travailler de nos propres mains
; injuriés, nous bénissons ; persécutés, nous supportons ...
... Bénissez ceux qui vous persécutent, bénissez et ne
maudissez pas.
... bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux
qui vous maltraitent. ...
... Ne rendez point mal pour mal, ou injure pour injure
; bénissez, au contraire, car c'est à cela que vous avez été appelés, afin
d'hériter la bénédiction. ...
... Lorsque tu mangeras et te rassasieras, tu béniras
l'Eternel, ton Dieu, pour le bon pays qu'il t'a donné. ...