mercredi 23 mars 2011

PRIÈRE D'UN MATIN BLEU


Allez, deux textes pour aujourd'hui, pour célébrer mon retour dans le blog et la venue du printemps. Le premier, "Entendu à la messe" voudrait être une tentative de commentaire emerveillé de ces mots sculpté dans l'or de la piété populaire et de la parole de Dieu. Il aimerait être le premier d'une série, tant sont nombreuses les flèches d'amour décochée par la liturgie dans le coeur qui cherche Dieu.
Le second, tiré des Musardises d'Edmond Rostand, a bercé mon enfance. Il gît dans un injute oubli depuis des lustres, mais ce blog a décidé de faire briller à l'air de Cantabrie aujourd'hui bleu ses adorables vielles dentelles.
Et puis j'aime aussi beaucoup les cyclamens, les delphiniums, les myosotis et les iris !
Outre la prouesse stylistique il y a dans cette humble contemplation toute une théologie, celle de la louange de toute la création qui est très finement captée - et rendue -par un poète tout vibrant de foi.

Voici en guise d'introduction le texte latin du Pater Noster pour ceux qui l'auraient perdu de vue (il n'a plus la côte, un peu comme les delphiniums et l'aneth, mais le recent motu propio de Benoit XVI lui rendra peut être droit de cité hors des bastions tradi).

Pater Noster, qui es in caelis,
sanctificétur nomen Tuum,
adveniat Regnum Tuum,
fiat volúntas tua,
sicut in caelo et in terra.
Panem nostrum quotidiánum
da nobis hódie,
et dimitte nobis débita nostra,
sicut et nos dimittímus
debitóribus nostris;
et ne nos indúcas in tentationem,
sed libera nos a malo.

Voici maintenant le texte du poète de Cambo-les-bains, immortel auteur de Cyrano de Bergerac, maître rimeur s'il en est. Il est capable de trouver une rime ( improbable) à merinos et à reseda. Il a aussi son actif, outre la rédaction de Cyrano de Bergerac, dernier surgeon du romantisme français un siècle après Victor Hugo, le fait d'avoir pemis à des tas de jeunes contemporains qui en sont privé par les exigences des programmes de lettre d'entendre sans défaillir force alexandrins... et de n'en point mourir.

PRIÈRE D'UN MATIN BLEU

Tout est bleu d'éther.
L'abeille du lys
Dit : « Pater noster
Qui es in cœlis... »

Le moineau des toits.
Le lézard du mur
Disent à la fois :
« Sanctifîcetur... »

« Nomen... », dit le jonc.
« Tuum... », dit l'étang.
Et le doux et long
Delphinium blanc

Répète : « Tuum... »
Sur autant de tons
Qu'un delphinium
A de clochetons!

Que dit l'eau du puits?
« Adveniat... » L'air?
Regnum tuum... » Puis
Tout devient plus clair !

Bien qu'entre les pins
Glisse un canon mat,
Là-bas les lapins
Ont gémi : « Fiat!... »

Ayant accepté
Qu'un plomb la tuât,
La caille a chanté :
« Voluntas tua !... »

Un pigeon luisant
Quitte le bouleau
Et monte, en disant :
Sicut in cœlo... »


La bêche, à ce vol
Dont elle vibra,
Droite dans le sol
Gronde : « Et in terra ! »

Et : « Panem nostrum... ».
Dit le sol vermeil.
« Qotidianun... »,
Répond le soleil !

Le ciel est si bleu
Que tout, ce matin,
Pense qu'il ne peut
Prier qu'en latin !

C'est le réséda
D'aube irradié
Qui murmure : « Da
Nobis ho die... »

« Dimitte nobis
Débita nostra... ».
Bourdonne l'iris
Où l'abeille entra.


Le fenouil léger
Qu'on appelle aneth
Dans le potager
A dit : « Sicut et... »

« Nos dimittimus . . . »,
Disent à mi-voix,
« Debitoribus . . . »,
Les fourmis du bois.

Dans ses petits pots
Le myosotis
S'éveille à propos
Pour dire : « Nostris... »

Blanc d'avoir traîné,
Le pur Lohengrin,
Le cygne dit : « Ne
Nos inducas in ... »

Un corbeau plus vieux
Que Mathusalem
Croasse un pieux :
« Tentationem. »

« Sed libéra nos... »,
Bêlent en marchant
Les doux mérinos
Qui broutent le champ.

Ayant le premier
Fait le mal subtil,
Que dit le pommier?
« A malo ! » dit-il.
Il dit : « A malo... »
Et le cyclamen
Incliné sur l'eau
Lui répond : « Amen ! »

2 commentaires:

  1. Les musardises photographiées sont-elles une pièce de ton musée personnel ??? elles font en tout très authentiques. Justement tirées d'archives secrètes. Je vois en tout cas que tu as retrouvé le soleil et l'envie de galoper les champs. Et permets-moi de souligner particulièrement :
    « Sed libéra nos... »,
    Bêlent en marchant
    Les doux mérinos
    Qui broutent le champ.

    en signe de notre complicité ancienne sur les moutons de toutes formes, moutons qui m'entourent en souvenir de ce temps !!

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  2. Ah ta sagacité, ton oeil de lynx pour les moutons et les brebis; quels ravissants souvenirs, toujours présents dans mon coeur. Merci de me les rappeler! Je vis aussi entouré de pas mal d'exemplaires!
    Les musardises sont dans le Gard, j'ai piqué la photo sur un site marchand.

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