
J+M
Depuis toujours, Dieu habille l’homme
et lui permet d’entrer sans rougir dans la salle des fêtes du Royaume.
Au
commencement, Adam et Eve découvrent leur nudité en même temps que leur état de
pécheurs. Quelle déconvenue pour ceux qui s’imaginaient devenir comme
des dieux ! Cette situation doit probablement hanter l’inconscient
collectif des humains, car beaucoup d’entre nous ont fait l’expérience d’un
rêve terriblement désagréable dans lequel nous sommes nus, ou sales, ou
affublés d’oripeaux ridicules en face d’un groupe bien vêtu.
Dès
la chute des deux premiers hommes Dieu a immédiatement mis en œuvre un plan de
miséricorde en leur remettant une tunique faite de peaux de bêtes, sans doute
plus agréable à porter que le pagne de feuilles rêches confectionné en hâte par le premier couple. Ce
cache misère à n’en point douter devait être inconfortable. La tunique était
préférable, même si l’usage des peaux fait bondir les amis écolos qui détestent l’idée même de la fourrure. Qu’ils se tranquillisent ! Car en l’espèce, on
reconnaîtra dans ces pelages offerts par Dieu à ses enfants désobéissants
l’image de la ruine d’un projet stupide. Les bêtes représentent deux
idolâtries, celle d’être autosuffisant et celle d’être l’égal de Dieu. Ces deux
erreurs ont éclipsé brièvement le culte divin dans le cœur d’Eve et d’Adam
c’est pourquoi elles apparaissent comme des bêtes. Mortes, elles attestent de
l’échec de ce projet ; et Dieu qui tire le bien du mal s’en sert pour vêtir ses
enfants.
L’abandon
du projet idolâtre que figurent ces dépouilles est un pas vers le repentir, qui
entraînera le pardon. Il est intéressant de noter ici que le pardon du Seigneur
précède ce repentir.
Donc,
le geste tout empreint de sollicitude d’un Dieu qui habille ses enfants
pécheurs - geste si bienveillant qu’il en est paternel, et même
maternel- inaugure une attitude dont Dieu ne se départira jamais face à un
être humain toujours tenté par l’autonomie et l’idolâtrie.
On
retrouvera ce geste divin à la Croix. L’homme nu qui s’enfuit sous le regard
des gardes alors que l’on emporte le Seigneur vers son supplice représente, je
crois, notre humanité tout entière.
Un jeune homme le suivait, n'ayant sur le corps qu'un drap. On se saisit de
lui ; mais il lâcha son vêtement, et se sauva tout nu (Mc :14, 51-52)
L’humanité
apparaît extrêmement faible, vulnérable, en proie aux pires terreurs. Quelle image
poignante en donne l’affaire de la fuite du jeune homme nu qui s’enfuit avant
l’exécution de Jésus ! Mais la mort du Seigneur réhabilitera les hommes
(qui seront désignés dans l’Apocalypse comme ceux qui ont lavé leur vêtement
dans le sang de l’Agneau), et recouvrira leur nudité congénitale de la pourpre
perdue des enfants de roi. De mystérieuse façon, dans le vaste plan général du
Salut, le Christ a voulu partager cette nudité et a accepté, pour nous revêtir
de Sa gloire, d’être littéralement dépouillé
de ses vêtements. C’est, ne l’oublions pas, son abaissement qui nous relève, et
rien d’autre. (Car c'est par la grâce que
vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c'est
le don de Dieu Eph : 2,8)
Le
vêtement perdu, donné, retrouvé appartient ainsi au réseau des signes que
déploie depuis le début de l’histoire de l’homme la générosité de Celui qui
réclame notre confiance et à qui, opiniâtrement, nous la refusons.
Signe
que la miséricorde de Dieu traverse et accompagne nos vies dans leur
intégralité, le vêtement donné en vient à représenter par métonymie la
Providence elle-même, que décrit Jésus en ces termes :
« Et
pourquoi vous inquiéter au sujet du vêtement ? Regardez les lys des champs, je
vous dis que Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’a pas été vêtu comme
l’un d’entre eux. Et si Dieu revêt de la sorte l’herbe des champs, qui est
aujourd’hui et demain jetée au four, ne fera-t-il pas bien plus pour vous, gens
de peu de foi ! » (Matthieu 6 : 28-29)
Il
faut savourer ce « bien plus », car il sert de remède à notre
méfiance héréditaire, c’est à dire transmise par Adam, qui l’a reçue de Satan.
Car il y a effectivement bien plus, infiniment plus que cet habit
temporaire pour lequel nous courons tous en haletant (et que les victimes de la
mode ne viennent pas me dire le contraire) : il y a cette extraordinaire
faculté que donne le Seigneur à Ses rachetés, c’est à dire à tout un ramassis
de pauvres hères trouvés sur les places et au bord des chemins creux, vagabond,
désœuvrés et mendiants dans lequel on reconnaît la vision saisissante d’une
humanité rendue aux dernières extrémités par le péché et l’ignorance ...
d'avoir accès à l’enceinte de la fête !
Dieu,
le Maître des lieux, la revêt d’un vêtement de noces et ceux qui seront
refoulés seront ceux qui ne voudront pas de cette rédemption. Laquelle passe
par la foi au Christ Jésus, l’adhésion à sa doctrine :
"Celui
qui croit au Fils a la vie éternelle, celui qui ne croit- pas au Fils ne verra
point la vie" Jean 3 : 36
En
effet, bien plus que les habits périssables, Dieu accorde vie, santé, amour et
tous les biens d’éternelle façon.
Il
n’a jamais cessé de le faire depuis qu’il a jeté sur la nudité d’Adam la
première tunique, qui annonçait celle dont Il se dépouillerait à la croix pour
que nous n’apparaissions plus indignes d’entrer dans la demeure éternelle de sa
Fête. Ce Dieu-là est un Dieu scandaleux, scandaleusement injuste avec Lui-même,
qui s’abaisse jusqu’à l’anéantissement, fait de nous ses fils et nous hisse
jusqu’en ses sublimes hauteurs. Comment ne pas l’aimer, en retour, follement ?