jeudi 15 octobre 2009

A l'Ecole de la Madre

Transverbération de Sainte Thérèse

J+M
Le mois d'octobre, associé aux vendanges et aux engrangements, offre plusieurs rendez-vous liturgiques auxquels l'âme aux inquiétudes mystiques ne peut qu'accourir avec empressement. Je n'en citerais que 3 ou 4 qui font, pour ma part, mes délices et dans lesquels mes inquiétudes de chrétien en pèlerinage trouvent à s'apaiser.
Précédé par la fête de la Saint Michel qui donne le la de toutes ces festivités, le mois d'octobre s'ouvre avec la fête de Sainte Thérèse de Lisieux, la plus grande sainte des temps modernes qui est montée au Ciel avant ses 25 ans telle une flèche décochée par un archer amoureux, la fête de Notre Dame du Rosaire que l'on célèbre le deuxième dimanche d'octobre, la date anniversaire des apparitions de Fatima le 13 octobre, et enfin le 15 octobre la fête de sainte Thérèse d'Avila appelée la grande ou la Madre.
Encore un de ces mois festifs où de fortes figures féminines nous accompagnent dans notre pèlerinage, pour la confusion des acariâtres de tout poil qui, sous l'effet d'une myopie étonnante, croient devoir accuser l'Eglise de misogynie. La vérité finit toujours par s'imposer, c'est l'erreur qui est caduque et frappée d'obsolescence.
Revenons aux célébrations du calendrier liturgique, car en ce 15 octobre c'est un plaisir très vif que de pouvoir évoquer la figure de la sainte d'Avila, réformatrice du Carmel, et première de cordée sur les escarpements de l'oraison.
Le caractère enjoué de la Madre et son enracinement dans le réel sont devenus légendaires, on ne la présente plus. Je souhaite simplement rappeler quelques pétales dans l'extraordinaire florilège qu'elle nous a légué, et dont l'actualité n'a rien perdu depuis des siècles.
En premier lieu, sa conversion. C'est extraordinaire de se souvenir qu'elle est entrée assez jeune au couvent, comme le faisaient souvent les jeunes filles de bonne maison qui cherchaient une position honorable. Le monastère en offrait, qui n'étaient pas négligeables, et sans doute un vif amour du Seigneur et de l'Eglise la poussa-t-il à se consacrer. Mais ce premier pas ne lui permettait pas de devenir celle qu'elle était en Dieu, et un travail extraordinaire l'attendait.
Pourtant c'était plutôt mal parti : la jeune Thérèse, bien que vertueuse et inquiète, rapporte dans son Autobiographie qu'elle ne se souciait point tant de la gloire de Dieu que des feux du monde qui continuaient de scintiller même derrière les grilles de son couvent. Peu assidue aux offices, elle acceptait volontiers de passer au parloir un temps peut être trop long, et de se laisser raconter les dernières nouvelles du Monde. Ceci dura la bagatelle de dix neuf ans.
Ce fut- bien sûr- l'amour qui la sauva. Sa connaissance des offices, et ; partant, de la Parole de Dieu, stagnait pour ainsi dire au niveau de son intellect sans atteindre sa terre d'élection, celle où elle peut germer et fructifier : le lieu du coeur.
De son avis même, ce fut la pitié de Dieu qui la sauva. Elle en fit l'expérience décisive face à une représentation du Christ aux outrages, qui soudain cessa d´être un simple objet pour devenir quelque chose d'intime : le supplice qu'une Personne avait subi en expiation de ses péchés à elle. Cette prise de conscience la bouleversa à tel point qu'elle en tomba malade, passa des jours à pleurer, bref, se convertit. Ce qui prouve que cette expérience peut même se produire dans un couvent, et fondre sur des âmes consacrées. Dieu est grand !
Cette révolution copernicienne devait conduire Thérèse sur des chemins inexplorés. Elle devint la porteuse d'un projet original, celui la réforme du Carmel, qui devait récupérer sa vocation de lieu de rencontre avec Dieu, de confusion des faux prophètes (ici, l'esprit du monde glissé jusque derrière les grilles des monastères).
Bien évidement cette entreprise lui valut tous les désagréments imaginables : hostilité de sa hiérarchie toute entière, inimitié des Carmes qui n'acceptaient pas cette réforme et s'accommodaient fort bien des accommodements introduits au fil des âges, qui avaient affadi la saveur sublime de la spiritualité de la montagne sainte, incompréhension et suspicion générale, on connaît les épines dont ce chemin est semé.
La découverte du lieu du cœur lui permit de faire des progrès rapides dans l'oraison. Elle découvrit le "château intérieur" que tout être humain,
Temple du saint esprit, porte en lui, et où réside l'ineffable majesté de Dieu.
A force d'en explorer les moindres espaces elle devint une vraie maîtresse pour des générations de novices à qui elle enseigna l'oraison, ce qui devint une des grâces les plus significatives de la vocation des Carmélites, qui se retirent du monde pour adorer et, par le parfum de leurs prières, le sanctifier. Cette fécondité spirituelle justifie pleinement l'antonomase affectueuse qui la désigne comme "la Madre".
Son exquise connaissance de la demeure de Dieu en les âmes lui valut de faire une singulière expérience mystique, rarement décrite, cette de la Transverbération.
Ce mot rude et d'aspect rébarbatif concerne une aventure spirituelle remarquable, celle de la réalisation physique, dans le cœur d'une personne, de l'excès de son amour. C'est un peu l'équivalent des stigmates, mais sur le cœur.
Son cœur blessé d'amour lui permit d'atteindre de grands sommets de connaissance et de familiarité avec le Seigneur, sans la priver de son robuste bon sens très incarné, qui lui faisait dire à une novice stupéfaite de la trouver en extase en train de léviter dans la cuisine du couvent un "cállate boba"(tais-toi, nigaude), devenu proverbial.
Elle ne perdit jamais le sens du réel, protégea des générations de novices des excès d'une règle trop stricte, y introduisant des moments de récréation et de partage pour la cohésion et la joie de la communauté.
Sainte Thérèse a été proclamée Docteur de l'Eglise. Cet éminent hommage rend justice à un enseignement préoccupé de l’essentiel. Son œuvre allie un équilibre subtil entre la réalité d'en Haut et les contingences d'en bas, un esprit d'adoration et d'humilité, c’est une somme immense, écrite en style pas toujours très simple, mais enjoué, réjouissant et pédagogique.
Qu'elle nous aide dans la réforme, toujours repoussée, du sanctuaire de notre propre coeur. Le vain fracas des soins d'ici bas nous éloigne de notre dignité de prêtres, prophètes et rois. Oui, qu'elle nous aide à aimer Dieu de tout notre cœur, de façon moins théorique et plus pratique. Nous ne sommes pas appelés tous à la grâce d´être transpercés physiquement par une épée de feu, mais nous pouvons tous progresser dans l'amour effectif de Dieu et du prochain. Notre siècle, en voie de déchristianisation rapide a besoin de héros. A l'Ecole de la Madre, nous pouvons le devenir. Nous avons tant à apprendre à son Ecole pour alimenter une relation vivante avec le Sauveur dans la contemplation, source de délices dont nous nous privons trop souvent.
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Les armes du combat :

Que rien ne te trouble
Que rien ne t’épouvante
Tout passe
Dieu ne change pas
La patience triomphe de tout
Celui qui possède Dieu
Ne manque de rien
Dieu seul suffit !
Sainte Térèse

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