jeudi 22 avril 2010

Eyjafjöll


J+M

Si eux se taisent, les pierres crieront

Le nuage de cendres du volcan islandais nous donne une superbe leçon. Pourrons-nous l’apprécier pleinement ?

Souvenons-nous, les émissions de cendre ont provoqué un chaos sans précédent dans le ciel européen.

Les réacteurs des avions sont vulnérables aux poussières volcaniques, susceptibles de les éteindre. Le risque d’accident est trop élevé pour que les compagnies aériennes puisent le courir. L’éruption inattendue de ce volcan a donc cloué au sol des milliers d’avions, des centaines de milliers de passagers et les dégâts ont été estimés en millions d’euros, et pourtant la valeur de la cendre est pratiquement nulle. Le contraste est immense entre les pertes et ce qui les a causées.
Autre contraste saisissant, l’abîme qui sépare les causes des effets. Rien de plus fin et de moins palpable que la cendre, légère, presque immatérielle. Or elle est capable de stopper net l’essor d’un engin pesant des centaines de tonnes et dont la poussée souvent défie l’entendement.
Au plan spirituel il y a plusieurs analogies à découvrir au milieu des nuées qu’éructe l’Eyjafjöll.

Si eux se taisent, les pierres crieront (Luc 19 : 40).

Ici ce ne sont pas seulement les pierres, mais des torrents de lave qui crient, car nous, humains, nous avons à voler aussi, les yeux vers l’En haut, le Ciel est notre patrie, et ce qui empêche notre essor, comparé à l’éternité n’est que poussière et cendre. Tout ce que nous convoitons est-il vraiment autre chose ? Qu’en restera-t-il dans 10 ans ? Dans 30 ans ? Dans 50 ans ?
Est-ce que cela vaut la peine de perdre sa destinée éternelle pour de l’argent, pour un arpent de terre, pour une maison, pour un emploi, pour une vengeance ? La réponse est, bien sûr, dans la question. Mais pourtant combien d’Eyjafjöll dans nos cœurs jettent des quantités astronomiques de cendres dans notre espace aérien intime ? Ceci nous empêche de décoller et provoque des pertes bien plus cruelles que celles des compagnies aériennes, qui nous semblent plutôt théoriques et ne nous font pas souffrir.
 Car ce que nous perdons à cause de ces cendres là c’est notre belle liberté des enfants de Dieu, c’est notre appartenance au Royaume.

Autre analogie, parce que je n’ai pas décidé de faire dans la subtilité ce soir : on se console d’une grande perte si elle est due à une catastrophe naturelle d’envergure, car il apparaît que d’emblée il était impossible de résister, que la cause était perdue d’avance. Mais quand il s’agit de cendre, d’un peu de cendre qu’il suffit de secouer ou d’épousseter, la perte n’en est que plus irritante.
Or combien de grisailles, de manques d’enthousiasmes menus, de tristesses, grain à grain, tombent et transforment les jardins que sont nos cœurs en champs de ruine ? Cette poussière menue qui s’entasse est insignifiante, comme nos peccadilles, nos restrictions, nos petites lâchetés ordinaires. Mais en s’accumulant elle fait tomber les avions.
Il en va de même dans nos vies. Le bel essor de la grâce se retrouve empêtré dans des considérations tristes, on ne peut plus, puis on ne veut plus penser à l’essentiel, et de prières bâclées en messes ratées, on finit par ne plus prier, ne plus croire, ne plus espérer. C’est la terrible acédie, ou dégoût des choses d’En Haut pour le dire simplement, qui s’installe dans notre âme, cette atroce paresse spirituelle qui finit par nous faire périr de froid.

Heureusement le volcan islandais est également porteur d’images extraordinairement positives au plan figuré.
Sa chaleur fait fondre les glaces et des colonnes de vapeur d’eau montent vers les cieux. C’était hier encore des surfaces gelées et pétrifiées depuis de lustres, elles volent à présent dans la stratosphère. Mieux, elles deviendront pluie, laquelle précipitera à son tour les cendres qui obstruent le ciel, le lavera, permettra l’envol de nouveaux avions et fertilisera même de nombreuses prairies. Ainsi le mal sera dépassé, un grand bien en pourra même sortir.

C’est encore une image providentielle, celle de l’œuvre infatigable de Dieu. Il ne se lasse pas de nous appeler, de nous vivifier, de nous proposer son feu pour nous sortir de nos enkystements et nous restituer l’espérance du Royaume. Son amour est plus encore plus brûlant que la lave ! Et si on le laisse faire, même nos péchés et nos tristesses peuvent être recyclés pour alimenter reconnaissance et joie de vivre. Comme quoi on peut être au-dessus du volcan … et danser encore de joie.

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