dimanche 26 juillet 2009

La leçon de la cigale

cigale, Saint Siffret juillet 2009
Il m’est arrivé la semaine dernière, alors que j’étais à Saint Siffret chez mes parents, de surprendre une cigale et, ô joie rare, de pouvoir la photographier. Je suis encore tout abasourdi d'enthousiasme car la bestiole m’a donné une leçon bien éloignée de celle de la fable qu’on m’avait enseignée à l’école de ce même village il y a de ça, ma foi, fort longtemps.

En l’observant, je pensais qu’il était grand temps de rendre justice à la cigale car sa réputation tout à fait détestable de tête brûlée, de sans souci et toute paresseuse est tout aussi odieuse qu’imméritée, Tu le sais bien Seigneur Toi qui l'as créée ; et j’aimerais ce soir Te dire à quel point mon cœur de méridional est pris d’une « sainte » jalousie devant ce gentil insecte qui représente d’une certaine et gracieuse façon notre destinée.
En premier lieu, son exultation (j’en parlais hier) sur les arbres est tout à fait légitime si l’on pense à l’invraisemblable parcours du combattant qu’il a dû subir pour en arriver à son triomphe.
Pondu et abandonné, l’œuf de cigale a donné naissance à un vermisseau minuscule (Fabre l’a très bien décrit), aveugle et mou, qui a dû s’agripper, descendre en terre, creuser et se fixer à une racine pour en sucer les humeurs pendant un interminable hiver. Ses forces constituées, abreuvé a cette source minuscule, il a entrepris un parcours souterrain tout à fait remarquable, fouissant la terre très dure de ses pattes menues pour se développer pendant 4 années complètes sous le sol, ce qui représente pour une bestiole aussi petite une éternité d’efforts en miniature . Enfin un beau jour, il a su rompre avec ses habitudes souterraines, s’est hissé sur une tige, a mué, c’est à dire qu’il a abandonné son enveloppe corporelle et ses outils de travail de terrassier aveugle pour devenir grimpeur. Accroché à un tronc d’arbre, il est sorti de son enveloppe et a laissé ses ailes se développer pour prendre un essor auquel absolument rien ne l’avait préparé si ce n’est les instructions très précises que lui avait donné l’ «instinct », qui est la feuille de route que Tu lui as assignée depuis les origines.
Enfin, après cet envol, fixé à une branche, baigné par la lumière pour la première fois de sa vie, l’insecte s’enivre de soleil et de la sève des branches que son rostre est capable de forer. Comment s’étonner de cette allégresse ! Le voici dans l’empirée des cigales, et son bonheur crisse et devient un cliquettement de joie audible à des centaines de mètres.
Et pendant que j’observais et photographiais la bestiole, je pensais qu’elle était une sorte de croquis, de résumé, de mode d’emploi pour la vie éternelle que Tu nous donnes. Comme un divin apophtegme, en quatre dimensions (temps compris).
Ne sommes-nous pas ce vermisseau aveugle et nu qui lutte depuis son origine dans l’obscurité pour parvenir à Ton soleil ? La racine qui nous abreuve, parfois amère, parfois douce, ce sont les sacrements de Ton église ô Jésus. La terre est l’élément où nous nous agitons, où nous souffrons, où nous devons lutter avec notre épaisse matérialité. Il nous faut au prix d’un effort écrasant, terrasser comme le fait l’humble vermisseau des volumes de terre qui nous dépassent, mais comme lui nous savons confusément que notre vraie patrie est aérienne. Notre lutte quotidienne avec la matière nous fortifie. Ainsi, sans nous installer dans la boue qui nous abrite et bien portés par une ferme espérance, au prix de continuels efforts on finit par gagner le ciel, le soleil et la lumière. Même si cela semblait impossible quand on fouissait la terre sans avoir jamais vu le moindre rayon depuis l’éclosion. Et la mort est la mue qui nous donne des ailes et nous introduit enfin dans Ta lumière, où nous pouvons à tue-tête clamer que Tu es bon, tandis que Toi même Tu nous éclaires (Ap 21:23).
Alors merci pour la leçon de joie et de persévérance, Cigale, ma sœur. Née des mains du Créateur génial qui nous a tous appelés à l’existence, tu nous dis cet été combien il est doux de se laisser dorer au soleil de Dieu et de quelle façon Il tient ses promesses en nous donnant infiniment plus que nous ne saurions demander ou concevoir.(Ep 3:20)
Et surtout, pas avare de ta louange, tu la fais retentir bien haut.
Comme il est « juste et bon » de le faire !

L’insecte obéît avec zèle alors que ses jours durent si peu. Nous les hommes, appelés à vivre pour l’éternité, laisserons- nous les bestioles nous en remontrer ?

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* Ap 21:23- La ville peut se passer de l'éclat du soleil et de celui de la lune, car la gloire de Dieu l'a illuminée, et l'Agneau lui tient lieu de flambeau
* Ep 3:20-A Celui dont la puissance agissant en nous est capable de faire bien au-delà, infiniment au-delà de tout ce que nous pouvons demander ou concevoir

2 commentaires:

  1. Ouh là là ! te voilà bien dans ta verve légendaire... c'est le midi et la foi en renouveau qui te fait cela mon grand !! superbe ton texte et magnifiquement évocateur... sauf apophtegme bien sûr qui oblige les laborieux bloggers dont je suis, à aller chercher la signification du terme. Alors pour tes lecteurs paresseux je donne la définition : sentence mémorable... et ta prose qui s'en fait l'écho, est aussi mémorable !!
    Quant à ta photo, magique car cela doit procéder de l'exploit de piéger une cigale en pixels, tu devrais pour le coup la mettre en plus gros qu'on l'admire tout de bon !

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  2. Merci pour tes encouragements, reçus avec reconnaisaance venant d'un bloggeuse confirmée comme toi !
    Oui le Midi est souce d'nspiration, et le crissement des cigales n'a pas fini de faire couler de l'encre depuis Esope et la Fontaine. Vigny n'a rien écrit d'avéré sur elle, mais je crois qu'il y songeait.
    Pour les pixels, il suffit de cliquer sur la photo et ô magie des TICE l'image s'affiche en plus grand, et pour revenit au blog un petit coup de barre de navigation vers l'arrière et zou !

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