mercredi 25 novembre 2009

Un splendide anachronisme



J+M
Pietro di Cristoforo Vannucci (Il Perugino)

La Vierge et l'enfant Jésus avec Sainte Catherine d'Alexandrie et Saint Jean Baptiste

Date : vers 1500
Taille : 63 cm x 81 cm
Achat par Louis XVIII (1821)


Cliquer sur l'image pour la voir plus grande.



Aujourd’hui 25 novembre c’est la fête de sainte Catherine d’Alexandrie, noble vierge qui préféra la martyre à la profanation.
En l’honneur de l’illustre égyptienne je vous propose de regarder un tableau du Pérugin exposé au Louvre qui la représente en compagnie de Saint Jean Baptiste et de la Vierge avec l’Enfant Jésus.
Faisons-le poussés par un souci cathartique au sens noble, celui qui permet de trouver du repos dans la contemplation des œuvres d’art face aux agressions de la laideur, de la vulgarité et de la pornographie qui tapissent joyeusement le monde. Voilà qui restitue le sens premier des représentations religieuses, qui est bien de favoriser le recueillement. Ainsi le regard devient porteur de prière et autorise le bel élan de la “prière hypostatique”, quête d’union qui cherche et, par grâce, finit par trouver, au plus intime de nos âmes, la plénitude de l’humanité telle qu’elle fut voulue par Dieu.

La composition de ce tableau donne un relief particulier- et c’est justice- à l’Enfant divin, complètement nu à la différence des adultes qui sont richement parés d’atours. Cette nudité est toute biblique, elle exprime le dépouillement de celui qui s’est appauvri de sa divinité pour nous en enrichir.
Elle illustre l’ineffable mystère de l’Incarnation et rive leur clou aux nestoriens qui traîneraient encore au fond des âmes et s’aventureraient à nier la double nature de Jésus-Christ, vrai Dieu vrai homme.
L’enfant est nu, il bénit. Complètement vulnérable, jusqu'à à en périr sur la Croix, Jésus se présente d’emblée dans cette huile comme innocent et magnanime, même si un détail nous interroge : pourquoi ne regarde-il pas dans notre direction ? Nous y reviendrons, car il est patent que cette énigme a une visée pédagogique.
Au deuxième plan, une deuxième énigme se présente, autour d’un splendide anachronisme ; Jean Baptiste, même s’il est son Précurseur est le contemporain de Jésus. Sa mère Ste Elisabeth l'attendait tandis que Marie attendait Jésus.
Or il y a ici une différence d’âge délibérée qui ne peut pas passer inaperçue et dont le but est bien évidement de faire réfléchir aux choses saintes.
Faisons le pari que le Pérugin a donné des pistes de réponse dans son œuvre même et continuons notre découverte priante de cette toile dont 5 siècles nous séparent mais qui est toujours habitée par un souffle extraordinaire. Souffle qui très certainement est redevable du traitement de la lumière qui semble émaner des personnages. Il n’y a pas de doute possible, tant les atours que l’éclairage nous situent dans une perspective céleste, nous sommes face à des habitants des Cieux et non dans la représentation d’une scène terrestre.
Pour ce qui est de la composition Marie est au centre, vêtue de velours vert et de pourpre filigranée d’or qui la désigne comme une reine. Auréolée comme le sont les 4 personnages de cette scène elle présente son Enfant à la vénération.
Derrière elle, au second plan, les deux saints montrent tous les signes extérieurs de la dévotion. Ils expriment une sérénité et une paix qui est dans la perception chrétienne le privilège de ceux qui sont au Ciel. Sainte Catherine, martyre, porte la palme qui lui revient et qui exprime la gloire de son sacrifice. Cette palme est de proportions modestes, à peine plus grande qu’une plume. Ses atours aussi sont modestes, même si l’étoffe en est riche, et le velours noir qui l’habille, s’il met en valeur la beauté de sa chevelure du même blond que celle de la Vierge Marie, n’est pas de la teinte que l’on s’attend à voir en ces contrées. Cette surprise rejoint celle que l’on éprouve en découvrant que l’artiste italien a représenté Sainte Catherine et Marie avec un visage si semblable qu’il est permis de se demander qui est qui, car seuls leurs vêtements permettent de distinguer les deux héroïnes.
Le message qui transparaît dans cette lumière traitée subtilement semblant sourdre des personnages plus que les nimber s’inscrit doucement dans le cœur de celui qui observe le tableau. Il est confirmé par l’expression d’une parenté de plus en plus frappante : Jean Baptiste son parent et sainte Catherine ressemblent à Marie et donc à Jésus qui lui doit ses traits.
C’est ainsi toute une réflexion sur la sainteté qui nous est présentée, et que valide la représentation du Précurseur, lui aussi de pourpre revêtu, en hommage à son martyre et sans doute aussi parcequ’il est considéré comme le plus grand du royaume de cieux, et comme le nouvel Elie (Mat 11, 7-14).


Le regard et les manières de ces habitants des cieux montrent qu’ils sont configurés paisiblement au Christ, Prince de la Paix, qu’ils lui sont devenus si proches qu’ils sont ses semblables, ce qui actualise de saisissante façon l’exclamation du Seigneur que rapporte Luc « qui sont mes frères ; qui est ma mère ? Ce sont ceux qui écoutent ma parole et la mettent en pratique ».

Dans cette perspective, il est clair que ce tableau aux ambitions immenses, quasi théophaniques (Dieu s’y manifeste) veut dire Dieu aux hommes et leur rappeler la noblesse de leur vocation à être saints comme Il est saint. Et pourtant cette sainteté bien entendu se présente tant pour le peintre du début du XVIème siècle que par l’homme du XXIème comme un horizon hors de portée et d’atteinte.
Il faut donc un puissant encouragement pour en prendre le chemin. Cette décision ne peut se faire qu’avec l’aide de Dieu, signifiée ici par la bénédiction que donne l’Enfant, comme immédiate et sans réserve, puisque donnée par une personne peinte de si gracieuse façon qu’elle ne saurait inspirer de crainte.
Et si le pécheur d’aventure craignait d´être mis en présence d’un juge par trop rigoureux, le souvenir de ce tableau lui montrerait que son Dieu ne regarde pas dans la direction de son péché mais dans celle où Il l’attend et qu’il le revêt par avance de riches vêtements pour assister aux noces l’agneau en arrivant au Ciel. C’est lui qui a conquis notre rachat, le peintre le sait. Le génial anachronisme qui fait du Baptiste, contemporain absolu de Jésus un adulte contemplant un enfantelet, (un enfançon comme on disait jadis et comme on dit encore dans les cantiques de Noël) nous montre comment nous avons à considérer nous-même Jésus pour recevoir sa bénédiction, laquelle nous mettra en route vers les choses d’En Haut.
C’est le message du Pérugin, qui n’a pas pris une ride depuis 500 ans et nous concerne tous.
Avec l’aide de nos compagnons de route, de St Jean Baptiste et de Ste Catherine d’Alexandrie approchons nous avec confiance de l’Enfant en cette période qui lui est consacrée et qui est celle du bonheur de l’attente. Elle va s’ouvrir cette semaine, c’est celle de l’Avent.

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Les armes du combat :
2 Cor 8 : 9
Car vous connaissez la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, qui pour vous s'est fait pauvre, de riche qu'il était, afin que par sa pauvreté vous fussiez enrichis.

Luc 8. 21
Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la mettent en pratique.

Idée solidaire nº 19
Prier avec Sainte Catherine pour les âmes du Purgatoire.
La prière des saints nous fait entrer dans l’immense solidarité de la communion des saints. Nous pouvons – et devons- y puiser à pleines mains.

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